L'astuce est simple et subtile à la fois. Il s'agit d'impliquer son entourage. Ce fameux entourage qui prête une oreille discrète et fatiguée à vos confidences de futur écrivain raté, c'est lui qui peut vous pousser - si vous l'y contraignez - à persévérer dans votre vaniteuse velléité de création littéraire.
Tout d'abord, isolez un membre de ce fameux entourage, prenez-le entre quatre-z-yeux, remerciez-le de tous les encouragements qu'il n'a pas su vous donner, ainsi que des relectures qu'il a faites avec tant de mauvaise grâce et dont l'analyse critique se sera révélée totalement creuse. Dites-lui qu'il n'imagine pas à quel point il vous a été utile, ce qui est probablement vrai, et continuez en lui lançant quelque chose de cet acabit : « Ô divin ami des belles lettres, désormais prends à coeur, chaque jour, chaque nuit, de me rappeler d'écrire continûment et avec grande application. Je chanterai tes louanges pour le reste des siècles à venir, dans une geste épique et délirante. »
Ah ah ah ! Le piège se referme. Le malheureux ne peut qu'obéir à une telle prière, si facile à exécuter. Et le voilà en train de creuser lamentablement sa propre tombe, en train de vos encourager à produire ces œuvres dont la relecture constitue pour lui une souffrance si vive. Pire, il doit prendre l'air intéressé, faisant semblant de croire à votre talent, lorsqu'il vous balancera ces injonctions hypocrites qui vous permettront de vous mettre au travail.
Plus pernicieux encore, choisissez quelqu'un, dans votre entourage, que vous méprisez cordialement et dont le jugement est aussi bancal que ses commentaires soporifiques. Vous devriez franchir cette première étape aisément. Ensuite, confiez-lui que vous avez découvert l'inévitable : vous n'êtes pas un écrivain. Convainquez-le alors de vous inciter à sortir souvent avec lui, de vous détourner de vos derniers sursauts littéraires, de vous replonger dans le grand bain de la médiocrité stérile. Ainsi, lorsque le quidam s'y mettra, la répulsion qu'il suscite en vous fera bien plus que la sollicitation opposée d'un vrai ami : vous prendrez le point de vue contraire au sien et, loin d'aller vous infliger sa compagnie dans des boîtes de nuit de second ordre, vous vous jetterez avec rage dans de nouveaux chantiers littéraires.
Avec le succès que l'on sait.
Gustave Borjay vous salue.
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Nota Bene : Si des proches de Gustave Borjay venaient à se
sentir visés par le présent article, ils auraient sans doute raison. |
On pourrait se faire une patinoire samedi, Gustave ?
RépondreSupprimerÔ divin ami des belles lettres, écris chaque jour, chaque nuit, je t'en supplie !!!
RépondreSupprimerEh bien je ne me sens pas du tout visé... Cela signifie-t-il que notre amitié n'est qu'une vaste hypocrisie ?
RépondreSupprimerQuelle profondeur de psychologie ! Quelle grandeur de vision ! Gustave Borjay, vous êtes notre maître à tous ! Deviner les sentiments les plus profonds de vos nombreux relecteurs, quel talent ! Et avoir réussi, encore mieux, à les entortiller à ce point, chapeau ! Et quelle force de tartuffe que d'arriver à se motiver pour jouer les amis avec des gens qui ne partagent pas vos intérêts pour réussir à se motiver ! Une seule chose me gêne, votre pensée que ce sentiment est unilatéral. Vous n'avez pas pensé que pour le relecteur, le travail de relecture ne lui prend pas de temps, comme il le bâcle, et que celui-ci n'encourage le mauvais écrivain à écrire que pour voir jusqu'à quelle nullité cet homme-là peut aller; afin de se moquer de lui en société. Bonne chance quand même, Gustave Borjay, n'hésitez pas à continuer, il y aura toujours du monde pour apprécier vos œuvres.
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