vendredi 12 septembre 2008

Wikipédia, l'encyclopédie libre

Avant, vous perdiez du temps à chercher des renseignements dans l'encyclopédie Universalis, maintenant vous pouvez perdre du temps à en écrire dans Wikipédia. Wikipédia est une encyclopédie gratuite, disponible sur Internet, et qui rencontre un grand succès.

Mais par dessus tout, Wikipédia est libre. Non pas que Wikipédia ait été victime de discrimination dans le passé, avant de s'émanciper grâce à l'amour universel. Non pas que Wikipédia, emprisonnée dans les sinistres geôles d'un cachot humide à la merci d'un sanguinaire potentat aux pensées inavouables, ait d'un dernier geste désespéré brisé les nombreux maillons de ses chaînes. Non pas que Wikipédia, après une longue réflexion philosophique, ait acquis la certitude qu'elle était libre par essence.

Non, tout simplement Wikipédia est libre au sens informatique, ce qui est - avouons-le - nettement plus poétique et rassurant. Pour ceux qui n'ont pas la chance de connaître le dictionnaire de français dans son métaphorique sens informatique, qu'ils sachent désormais qu'un projet est libre lorsqu'il est possible à tous ses utilisateurs, sans exception, de l'améliorer (dans les faits de le modifier).

Ainsi, sur Wikipédia, si vous trouvez un article incomplet, ou même imprécis, rien ne vous empêche de rechercher la médiocre satisfaction de votre tout-puissant amour-propre et d'utiliser vos précieuses lumières pour corriger l'inexact article en question. Dans la même logique, vous pouvez créer un article si vous vous rendez compte, ô injure au savoir, qu'il n'y a pas d'article sur le massacre des chihuahuas mâles d'Indonésie au VIIIe siècle. Dans cette logique, rien ne vous interdit de créer un article sur Tonton Hubert, ou d'inventer un nouveau pays, par exemple le Kalerdjan, potentiel hébergeur de Ben Laden, à la recherche de l'arme nucléaire qu'il a déjà trouvée, et sur la liste des pays de l'axe du mal.

Mais il y a une parade à Wikipédia : les modérateurs. Sous cette appellation quelque peu singulière se dissimule le moyen ultime pour prévenir les dérapages sur Internet. Que quelqu'un crée un article sur Tonton Hubert, et aussitôt un modérateur se rendra compte, grâce à son habituelle sagacité, que Tonton Hubert n'a pas sa place légitime dans un tel ouvrage de connaissances, et de facto supprimera sans pitié aucune l'article consacré au ci-évoqué Tonton Hubert. La parade est là, redoutable d'efficacité :  le contrôle des informations par les utilisateurs de Wikipédia.

Mais cela donne lieu à des dérives aussi tragiques que mortifiantes. Prenons un exemple parlant : deux modérateurs contribuent à l'écriture du même article sur Sylvester Staline (modéré en Joseph Staline). L'un est communiste engagé, l'autre sarkoziste convaincu. L'un met l'accent sur le modèle marxiste, l'autre sur les stages civils en Sibérie. Il arrive alors un conflit sans fin : chaque modérateur supprime tour à tour l'apport du précédent. La solution trouvée, ici, est de verrouiller l'article : celui-ci ne sera plus modifié, car jugé trop sensible. Il s'agit alors d'avoir la chance de voir l'article se verrouiller sur sa propre version.

Mais allons plus loin, allons là où Gustave Borjay souhaite amener le lecteur, dans le but de lui apporter de quoi méditer sur son avenir. On accède en fait à une nouvelle ère qui est celle de la censure moderne. Le constat est simple : lorsque l'on censure, on se met tout le monde à dos ou presque, et infailliblement la censure échouera, la tête de celui qui l'appliquait dût-elle tomber pour cela. Mais si l'on s'arrange pour que ce soit les ennemis de la censure qui eux-mêmes censurent modèrent les articles récents, on atteint une situation bien plus confortable, bien plus durable, car elle est admise par tous et satisfait l'amour-propre de tous. Car en effet, curieusement, Wikipédia se révèle impitoyablement sérieuse, résumé du programme de Sciences Po et de HEC, actualisé par les renseignements du Monde et du Figaro.

Gustave Borjay, lui, vous garantit  que dans son livre dont vous n'êtes pas le héros, il n'y aura rien de conventionnel, et que la seule pensée correcte sera que les Jeux Paralympiques valent bien les Jeux Olympiques (ceci étant susceptible de changer le cas échéant, tout cela au conditionnel).

Gustave Borjay vous salue.

Sylvester Staline prend la pose en Sibérie.

3 commentaires:

  1. Voilà une promesse intéressante... mais l'auteur n'est-il pas déjà enchevêtré sans le savoir dans son propre carcan de conventions ? Evidemment, si ces conventions sont anticonventionnelles, je n'ai plus rien à dire. En attendant votre livre...

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  2. Wikipédia apporterait-il la preuve que démocratie et recherche de la vérité sont inconciliables ? Loin de moi cette idée pernicieuse... Reste que grâce à ce site nous sommes gratifiés d'un article, une fois de plus, très intéressant sur le blog de Monsieur Borjay. Continuez à nous instruire de la sorte, que diable ! Ou vous ne nous y prendrez plus (à lire vos articles)...

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  3. je vous recommande l'Observatoire de Wikipedia

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