Vous êtes passé par toutes les
étapes.
L'idée saugrenue d'écrire, l'idée
de votre premier roman, les deux intervenant souvent à peu de distance l'une de
l'autre. Puis le premier mot, le premier paragraphe, la première page. La
première centaine de pages. Et enfin le point final. Vous avez ensuite relu
votre œuvre, une fois peut-être deux, pris en compte des corrections
magnanimement distillées par des relecteurs complaisants. Vous avez trimé.
Et votre imprimante a chauffé dur
pour imprimer votre manuscrit, une fois, deux fois, dix fois que sais-je. Et
vous avez laissé vos petits à la Poste, qui les a menés par la main jusqu'à
leurs familles d'accueil respectives. Celles-ci ne l'ont pas entendu de cette
oreille et vous les ont renvoyés – sains et saufs, Dieu merci ! Vous avez
relancé la manœuvre, mais rien à faire, vous n'êtes pas Rousseau, vous devez
garder votre progéniture. Puis le silence de l'échec, le long silence,
seulement coupé par les hurlements dans la nuit que vous avez poussés, hagard,
échevelé, à la face de la cruelle lune, tandis que l'averse vous martelait de
ses mille aiguillons glacés.
Force vous a été de constater,
devant le pêle-mêle où vous avez épinglé toutes vos lettres de refus, que vous
n'avez trouvé ni public ni éditeur.
Mais, séchant vos larmes, serrant
votre mâchoire dans un rictus affreux, les muscles contractés dans un effort surhumain,
vous avez levé le poing vers cette même cruelle lune (cf. ci avant) et vous
avez dit, dans cette prose qui vous caractérise : "Si tu crois m'avoir, pauvre c****, tu te mets le doigt dans l'œil !"
(Note de l’auteur : Nous
supposons à ce stade que vous avez franchi toutes ces étapes, parvenant depuis
votre idée initiale à commencer à écrire, à ne pas flancher, à supporter les
critiques, à croire à la qualité de votre œuvre (ce qui vous différencie
probablement du reste de l'humanité), à détruire la forêt amazonienne et
alourdir les chargements du facteur, et enfin à recevoir des liasses de refus
anonymes qui ne vous auront poussé ni à mettre un terme à votre vie, ni même à
votre vie littéraire.)
Cependant, tellement pris,
tellement absorbé par le poids de votre premier roman, qui telle une pieuvre fluorescente
s'est déployé dans votre esprit jusqu'à ne plus lui faire rien voir d'autre que
son envahissante présence, vous avez un vertige et demeurez, là, stupide,
hébété, immobile (et, nous l'espérons, en dehors de la chaussée).
"Sur quoi pourrais-je écrire
?" laissez-vous échapper entre vos mâchoires que vous ne contrôlez plus et
qui s'entrechoquent dans un cliquetis frénétique.
(à suivre…)
Tiens, ça me fait penser qu'il faut que j'envoie mon livre à un éditeur !
RépondreSupprimerLa suite, la suite !
RépondreSupprimerTu es brillant Gustave, continue, ce sont eux qui sont médiocres.
RépondreSupprimerTout ça me laisse penser que surtout, il faut éviter d'écrire un premier roman, ça règle d'emblée la question du second.
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