mercredi 15 mai 2013

La Mise en valeur par l'ellipse

Gustave Borjay venant de passer plusieurs semaines à s'adonner nuit et jour à de hautes tâches intellectuelles dont le seul énoncé passerait à plusieurs lieues de vous autres mortels, et ayant décidé de s'accorder un divertissement laissant de côté toute activité cérébrale complexe, prend aujourd'hui le temps de s'adresser la multitude de lecteurs qui font chaque jour saturer les serveurs hébergeant son blog.

Pour leur dévoiler un procédé d'écriture, un beau procédé qui plus est, et qu'il pourrait appeler « l'ellipse de mise en valeur ».

Contrairement à la longue ellipse qui permet de passer sous silence des années entières - les lecteurs du Comte de Montecristo ou encore du Bossu comprendront -, l'ellipse de mise en valeur consiste à passer sous silence, au sein d'une période de narration pourtant globalement ininterrompue, un événement.

Si vous passez sous silence le moment où un protagoniste s'absente pour aller honteusement gagner les lieux d'aisance, ou si vous passez sous silence tout moment insignement banal qui n'apportera jamais rien à votre intrigue, c'est assez normal.

Mais si vous choisissez d'effacer de la narration un moment-clé d'icelle, alors là c'est autre chose. Vous pourrez alors surprendre plus tard le lecteur en lui faisant apprendre, par exemple à l'occasion d'une conversation anodine, ou par le biais d'astucieux flashbacks, l'événement advenu. Il vous sera possible de dévoiler brutalement ledit événement, ou bien d'en distiller petit à petit, au rythme que vous choisirez, les innombrables détails. La suite d'Un Amour de Swann, de Proust, en est un exemple fameux.

Le procédé est aussi très utile pour ne pas avoir à raconter expressément une scène qui risquerait de virer au cliché, au glauque ou au vulgaire. A vous la liberté de raconter après coup les échos d'un premier rendez-vous, d'une scène de torture ou d'un contrôle anti-dopage. Vous éviterez ainsi les « il lui jeta langoureusement un regard de braise », « bientôt vous me supplierez à genoux de vous épargner » et autres « monsieur, veuillez uriner dans ce gobelet ».

Gustave Borjay vous salue.
 
Lance avait fait l'erreur stratégique de passer aux toilettes en fin de matinée ;
regardant le gobelet de plastique blanc, il se sentait gagner par une sombre horreur.

3 commentaires:

  1. Mais voyons, Lance, il faut voir le gobelet à moitié plein et non à moitié vide !

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  2. J'ai pas compris l'histoire du goblet, quelqu'un peut m'expliquer ?

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  3. Le gobelet a-t-il appris son rôle ? A-t-il également le choix du moment où le protagoniste intervient ? Ou fut intervenu ? Le gobelet est-il machiste ou lui arrive-t-il de jouer dans des scènes comportant des êtres humains de sexe féminin ?

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