mercredi 10 juin 2015

Trouver un nouveau sujet de roman - Partie I

Vous êtes passé par toutes les étapes.

L'idée saugrenue d'écrire, l'idée de votre premier roman, les deux intervenant souvent à peu de distance l'une de l'autre. Puis le premier mot, le premier paragraphe, la première page. La première centaine de pages. Et enfin le point final. Vous avez ensuite relu votre œuvre, une fois peut-être deux, pris en compte des corrections magnanimement distillées par des relecteurs complaisants. Vous avez trimé.

Et votre imprimante a chauffé dur pour imprimer votre manuscrit, une fois, deux fois, dix fois que sais-je. Et vous avez laissé vos petits à la Poste, qui les a menés par la main jusqu'à leurs familles d'accueil respectives. Celles-ci ne l'ont pas entendu de cette oreille et vous les ont renvoyés – sains et saufs, Dieu merci ! Vous avez relancé la manœuvre, mais rien à faire, vous n'êtes pas Rousseau, vous devez garder votre progéniture. Puis le silence de l'échec, le long silence, seulement coupé par les hurlements dans la nuit que vous avez poussés, hagard, échevelé, à la face de la cruelle lune, tandis que l'averse vous martelait de ses mille aiguillons glacés.

Force vous a été de constater, devant le pêle-mêle où vous avez épinglé toutes vos lettres de refus, que vous n'avez trouvé ni public ni éditeur.

Mais, séchant vos larmes, serrant votre mâchoire dans un rictus affreux, les muscles contractés dans un effort surhumain, vous avez levé le poing vers cette même cruelle lune (cf. ci avant) et vous avez dit, dans cette prose qui vous caractérise : "Si tu crois m'avoir, pauvre c****, tu te mets le doigt dans l'œil !"

(Note de l’auteur : Nous supposons à ce stade que vous avez franchi toutes ces étapes, parvenant depuis votre idée initiale à commencer à écrire, à ne pas flancher, à supporter les critiques, à croire à la qualité de votre œuvre (ce qui vous différencie probablement du reste de l'humanité), à détruire la forêt amazonienne et alourdir les chargements du facteur, et enfin à recevoir des liasses de refus anonymes qui ne vous auront poussé ni à mettre un terme à votre vie, ni même à votre vie littéraire.)
Cependant, tellement pris, tellement absorbé par le poids de votre premier roman, qui telle une pieuvre fluorescente s'est déployé dans votre esprit jusqu'à ne plus lui faire rien voir d'autre que son envahissante présence, vous avez un vertige et demeurez, là, stupide, hébété, immobile (et, nous l'espérons, en dehors de la chaussée).

"Sur quoi pourrais-je écrire ?" laissez-vous échapper entre vos mâchoires que vous ne contrôlez plus et qui s'entrechoquent dans un cliquetis frénétique.

(à suivre…)

Vous vous sentez petit, tout petit.
(Accessoirement, vous n'avez peut-être pas encore franchi
l'étape de crise, le camion arrivant derrière vous à pleine
vitesse risquant fort de mettre fin à votre vie littéraire.)

4 commentaires:

  1. Tiens, ça me fait penser qu'il faut que j'envoie mon livre à un éditeur !

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  2. Tu es brillant Gustave, continue, ce sont eux qui sont médiocres.

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  3. Tout ça me laisse penser que surtout, il faut éviter d'écrire un premier roman, ça règle d'emblée la question du second.

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