vendredi 15 août 2008

Evolution épistolaire

Un constat est de règle dans notre société : nous progressons, chaque changement est un mieux, chaque nouveauté est une amélioration. Cet article pourra être vu comme l'illustration de cette progression dans le domaine de la correspondance écrite. Gustave Borjay, cependant, se plaît davantage à le définir comme un nouveau traité de la langue française moderne, une langue française qui assume pleinement ce qu'elle est devenue et se libère du carcan des règles qu'elle a abolies.

« Vous êtes malade, ma chère enfant. Vous dites quelquefois que votre estomac vous parle, ma chère bonne ; vous voyez que votre tête vous parle aussi. On ne peut pas vous dire plus nettement que vous la cassez, que vous la mettez en pièces, que de dire qu'elle vous fait une grande douleur quand vous voulez lire et surtout écrire, et qu'elle vous laisse en repos dès que vous l'y laissez et que vous quittez ces exercices violents, car ils le sont. Cette pauvre tête, si bonne, si bien faite, si capable des plus grandes choses, vous demande quartier ; ce n'est point s'expliquer en termes ambigus. »
 
Ce paragraphe n'est ni plus ni moins qu'un extrait d'une lettre de Madame de Sévigné, écrite en 1689 à Madame de Grignan, sa fille. Dès l'abord, des conclusions s'imposent : elle est d'une longueur indigeste, d'un style inutilement compliqué, bref, il y a beaucoup à redire et tout à refaire.

« bonjour ma fille
J'ai appris tes derniers ennuis de santé, ton mal de tête qui te fait très mal et ton estomac qui gargouille en permanence. A mon avis, tu ferais mieux de te reposer. »

 
Cette nouvelle version est celle d'un e-mail actuel (à la ponctuation près). On peut apprécier l'esprit plus direct, plus franc, sans détours inutiles. Le message passe mieux, et on perd moins de temps à lire comme à écrire. Pourtant, on ne peut se défaire totalement d'un sentiment d'imperfection, d'inachevé.

« MmeSEVIGNE - slt grignette !
GrignetteDu26 - slt maman
MmeSEVIGNE - comment va ?
GrignetteDu26 - bof... mal a la tête et aérophagie
[GrignetteDu26 est hors ligne, elle ne peut recevoir vos messages]
[GrignetteDu26 est en ligne]

GrignetteDu26 - dsl, déconnexion a cose de windows
MmeSEVIGNE - sale pr ton mal de tete ! :@ te kasse pas la téteu et prend ton tps ça va aller
GrignetteDu26 - OK @+ !
MmeSEVIGNE - ++ »


Cette dernière version, bien plus intéressante, introduit en effet un vrai échange. C'est grâce à des outils comme MSN ou ICQ qu'on peut atteindre une nouvelle interactivité, et donner la priorité au message lui-même et non au style. Le style est d'ailleurs plus avantageusement remplacé par la couleur et la police de caractère. L'hypocrisie de l'absurde emballage littéraire commence enfin à se réduire en cendres.

Françoise de Grignan est malade comme un chien.
Updated on Thursday

Marie de Sévigné became a fan of Mademoiselle de Scudéry


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Marie de Sévigné wrote on Françoise de Grignan's Wall.
g vu que tété malade, remets toi bien ma chérie !




Grâce à Facebook, on atteint enfin la perfection recherchée. Un dialogue encore plus épuré, une information qui circule vraiment et touche tous les proches d'un seul coup. Voici le nouveau français, celui qui a de l'avenir. Limpidité et efficacité feront toujours mouche.

Gustave Borjay vous salue.

7 commentaires:

  1. Pij k dal fonbou tu sé pa ekrir ou koi

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  2. Bravo ! terrain fertile en inventions, alacrité stimulante, intérêt toujours soutenu pour le lecteur attentif et impatient. Trois fois bravo !

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  3. Très intéressant que votre article monsieur, lu avec plaisir et sourire en coin, m'en vais-je à présent découvrir le reste.

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  4. J'adore ! Tu sais vraiment capter l'intérêt du lecteur !

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  5. ErnestS si j'puis me permettre, c'est que j'ai un fan de ce jeune sportif dans mes amis: pensez bien que je ne me montrerais pas si tatillonne dans le cas contraire.

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  6. Evolution du langage inquiétante s'il en est mais qui contribue, cependant à faire des individus qui s'évertuent à perpétuer la tradition d'un français, ne serait-ce que correct, des personnes exeptionnelles ...

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