L'Effet papillon

Très à la mode en cette période où l'homme, anxieux face à cette crise mondiale qui le confronte à l'irrationnel (et à la perte de son pouvoir d'achat), a besoin de se tourner vers des croyances moins scientifiques et moins déterministes, l'effet papillon semble reprendre un second souffle. Gustave Borjay en veut pour preuve cette agression à la chaussure de M. Bush qui a totalement relancé le procès Colonna.

Mettez-vous donc à la tâche, et utilisez ce formidable procédé, sans limite ni restriction, avec au contraire l'abus le plus effronté. Toutefois, évitez le piège classique de l'effet de chaîne (la fameuse Kettenreaktion de Nietzsche) trop invraisemblable. Vous risqueriez d'égarer définitivement le lecteur dans une quête impossible de la vérité dans l'absurde, par exemple la découverte de la couleur du premier Bisounours, découverte sur laquelle nombre de savants se sont irrémédiablement décrédibilisés.

Mais là s'arrête cette introduction. Sans plus attendre, découvrons maintenant un magistral exemple − « encore un ! » s'écrient, aux anges, les lecteurs extatiques − de Gustave Borjay.

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« Jean-René en avait assez. Il résolut, première et ultime révolte d'une longue vie faite de médiocrité et de servilité, de transgresser la recommandation du médecin et d'aller manger une de ces appétissantes pommes du jardin de la maison de retraite. Nous passons ici sur l'utilisation laborieuse qu'il fit de son déambulateur, l'essentiel étant qu'il parvint à s'approcher de l'arbre défendu et à en arracher non sans mal une pomme. Comme il avait pensé à tout, il mit son dentier qu'il avait prit la précaution d'emporter, et croqua un petit morceau du succulent fruit. Quelle ne fut pas son horreur à la vue du ver narquois et cynique qui le regardait avec une fixité inquiétante, entre deux pépins. La réaction ne se fit guère attendre. Cinq minutes plus tard, l'ambulance était là pour aller chercher ce qui restait du fier Jean-René, le frondeur et sémillant retraité. Il n'avait pas su affronter jusqu'au bout l'horreur du quotidien.
 
L'ambulance, passant à toute vitesse dans les rues de la ville, faisait un boucan monstrueux. Trop monstrueux d'ailleurs pour deux ex-dictateurs, qui signaient alors un pacte de future collaboration. Celui qui tenait la plume, parcouru d'un subit frisson dans l'ensemble de son corps à l'entente des hideux signaux sonores, fut si perturbé qu'il signa à l'emplacement de l'autre. Ce dernier, indigné, ne trouva d'emplacement restant que la boîte cranienne de son vis-à-vis, qu'il s'empressa de garnir à l'aide d'une cartouche de son pistolet. Ne nous attardons pas, ce serait par trop malsain, à décrire le plaisir que ressentit l'ex-dictateur en achevant consciencieusement le travail à coups d'extincteur.
Seul ennui, c'était le dernier extincteur en état de marche de l'immeuble et au même moment le feu se déclarait au rez-de-chaussée. L'ex-dictateur, entendant des cris et du rafus, se claquemura dans sa chambre, ne voulant en aucun cas être surpris dans une situation qui pouvait être mal interprétée. Mais il fut bien forcé de sortir quelques minutes plus tard, en l'occurence par la fenêtre, chaudement encouragé par d'innombrables flammes.
 
Il s'écrasa dans sa chute sur un camion de fruits et légumes maquillé transportant des matières toxiques et explosives. Le résultat fut immédiat, et tout un quartier brûlait déjà lorsque les premiers pompiers arrivèrent. Ces malheureux furent d'ailleurs seuls, sans renforts, impuissants pendant une heure entière (à contempler, le coeur déchiré, une marée d'hommes torturés se lamentant dans leur propre consomption et criant désespéremment vers le ciel), une ambulance contenant un vieux en détresse s'étant encastré dans le portail de sortie de la brigade de sapeurs-pompiers la plus proche, provoquant d'irréparables retards.
 
Un jour plus tard, Paris n'était plus qu'un vaste amas de décombres. »
 

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Gustave Borjay vous salue.

« Lentement, le ver se faufila hors des ruines et mit le cap
sur Londres, où il devait recevoir sa nouvelle mission. »