dimanche 20 janvier 2013

Captiver le lecteur via la dynamique du récit

Vous avez commencé votre livre ? Ce qui veut dire, en bon français, que vous avez trouvé l’idée générale, le titre et la dédicace ? Vous êtes cependant intrépide, vous voulez noircir quelques pages, vous prouver que votre valeur intellectuelle et artistique peut accoucher d’une œuvre littéraire.

Bref, vous n’avez pas commencé votre livre mais avez sérieusement l’intention de vous y mettre. Mettons, dit Gustave Borjay, mettons que, contrairement à la majorité des gens assez complexés pour se sentir l’envie d’écrire un roman, vous alliez jusqu’au bout. Vous rendez-vous compte que votre lecteur, lorsqu’il s’emparera avec circonspection de votre ouvrage, ne parviendra pas à en parcourir plus d’un chapitre sans vous faire goûter son plus beau ronflement de stentor ?

Car vous allez l’ennuyer. Profondément. D’autant plus que vous êtes persuadé du contraire. Vous allez l’ennuyer parce que vous n’avez pas grand-chose à dire, certes, mais en plus parce que vous ne savez pas comment le dire. Gustave Borjay, par pitié pour vos proches qui serviront de lecteurs – de cobayes –, est prêt à vous dispenser quelques inestimables bribes de sa sagesse afin d’éviter que le carnage ne soit total.

*** 

Tout d’abord, demandez-vous à chaque nouvelle page ce que vous aimeriez, vous, voir arriver. Voulez-vous vraiment lire le 28e meurtre de Jack l’Éventreur au 28e chapitre, ou bien préféreriez-vous varier en vous attachant à l’enquête du vieux baroudeur de la police qui suit ses traces ? Voulez vous vraiment lire cette magnifique description de la préfecture de Bobigny, ou bien préférez-vous en arriver directement à la corruption du commissaire de police par le préfet ?

Ensuite, ajoutez du dialogue à foison, de la vie, de l’ironie, de l’interruption, du sarcasme, des propos anodins, d’autres significatifs. Équilibrez avec les phases descriptives ou introspectives. Le pauvre lecteur est toujours ravi, quand son intérêt oscille entre le degré 0 et le négatif, de tomber sur des guillemets salvateurs. Il s’y raccroche désespérément, et survivra "pourvu que" vous réussissiez à faire sonner juste vos personnages. Alternez aussi entre le prosaïque et le poétique. Faites respirer les mots et votre intrigue. Et votre pauvre lecteur.

N’oubliez pas d’inclure des retournements de situation, des surprises, des sources d’étonnement, du « Luke, je suis ton père » au fameux « attention derrière-toi ! », en vous défiant du séduisant « ouf, tout ça n’était donc qu’un rêve ! » Tâchez seulement d’éviter le pur cliché.

Enfin, choyez le sentiment, développez-le avec amour, cela touchera toujours le lecteur. Émotion, élévation, tension, drame sont des puissants moteurs pour immerger le lecteur dans votre œuvre. Le commun des mortels a besoin d’assister à des histoires plus belles que la sienne, plus fortes, plus intenses. Car il a beau être bourré de défauts qu’il s’acharnera toujours à faire fructifier avec un soin jaloux, il a aussi un cœur qui bat, boum boum, boum boum, boum boum…

Gustave Borjay vous salue.
 
« La préfecture de Bobigny avait ses murs tapissés de panneaux sombres
sur lesquels des voyants lumineux formaient des motifs géométriques.
Parfois, des tuyaux surgissaient de nulle part, éventuellement tronqués
de manière bâclée par des ouvriers sous-payés. Mais revenons plus en
détails sur ces fameux panneaux muraux qui mettaient si bien en valeur
la cape d'apparât de l'énergique préfet. Leur texture inimitable conférée
par le matériau choisi par l'architecte, une pierre noire venant de... »

3 commentaires:

  1. Il a une drôle de tête le préfet de Bobigny.

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  2. et aussi boum boum sous l'eau, boum boum sans les bras...

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  3. C'est formidable : tu devrais écrire. Si l'on remplace Bobigny par Créteil, conserve-t-on la même force narrative ?

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